Ce jour-là, le 1er président de la République du Cameroun Ahmadou Ahidjo âgé de 58 ans, démissionnait de ses fonctions contre toute attente.
« Camerounaises, Camerounais, mes chers compatriotes, J’ai décidé de démissionner de mes fonctions de Président de la République du Cameroun ». Les auditeurs de la radio nationale de l’époque n’y croyaient pas à leurs oreilles. C’était pourtant la voix du président Ahmadou Ahidjo. « Cette décision prendra effet le samedi 6 novembre à 10 h. En cette circonstance capitale, je voudrais du fond du cœur remercier toutes celles et tous ceux qui, depuis bientôt 25 ans, m’ont accordé leur confiance et apporté leur aide dans l’accomplissement de mes lourdes tâches à la tête de l’Etat (…)» a-t-il poursuivi.
Le président de la République a conclu son discours en ces termes: « J’invite toutes les Camerounaises et tous les Camerounais à accorder, sans réserve, leur confiance et à apporter leur concours à mon successeur constitutionnel M. Paul Biya. Il mérite la confiance de tous, à l’intérieur et à l’extérieur. Je vous exhorte à demeurer un peuple uni, patriote, travailleur, digne et respecté ».
Témoignage de Jean-Claude Ottou
Ce journaliste était rédacteur-en-chef à la Radiodiffusion nationale et présentateur vedette du journal de 20 heures. « C’était un jeudi. La journée s’annonçait ordinaire (…). Vers 16 heures, alors que nous préparions le journal de 20 heures, Alexandre Kokoh à Messe, directeur de la radio, et moi-même reçûmes chacun un coup de fil de la présidence de la République nous enjoignant de dépêcher sur les lieux une équipe de techniciens – sans reporters pour un enregistrement » se souvient-t-il comme si c’était hier. En effet, plus l’on se rapprochait de l’heure du journal, plus l’émotion gagnait en intensité. Vers 19h30, Guillaume Bwelè, le ministre de l’Information, me suggéra de prévoir un commentaire, je m’y opposai fermement. Mon lancement fut laconique : Mesdames, messieurs, bonsoir. Nous sommes le jeudi 4 novembre 1982, il est 20h23. Un seul titre ce soir : le président de la République s’adresse à la nation » raconte Jean-Claude Ottou.
Ville déserte
Au terme du journal, Jean-Claude Ottou rapporte qu’en sillonnant « les rues de la capitale en compagnie d’un collègue afin d’évaluer l’effet produit sur la population par cette démission, Yaoundé était une ville fantôme ». Il se rappelle que les rares personnes rencontrées se précipitaient à rejoindre leur domicile. « Sur le bord d’une route gisait un homme qui semblait avoir fait un malaise. Je décidai de le conduire aux urgences de l’hôpital central. Les médecins étaient aux abonnés absents. Ceux qui se présentèrent au bout d’une interminable attente semblaient scandalisés de nous voir là » se rappelle-t-il.
Deux jours après cette démission, son Premier ministre de l’époque, Paul Biya, prête serment le 6 novembre 1982, conformément à la Constitution. Dès lors, l’on assiste à une nouvelle ère au Cameroun. L’an 42 de l’actuel chef de l’État à la magistrature suprême sera célébré ce 6 novembre 2024.
Dieudonné Zra (@zra_dieudonne)